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Thursday, May 24, 2007

*UNION EUROPÉENNE : La France est bel et bien de retour*


24 mai 2007


*** Malgré toutes ses contradictions, Nicolas Sarkozy remet effectivement l'Europe en marche. Une chance à saisir sans tarder, estime El País.

Par deux fois, en 1963 et en 1967, le fondateur de la Ve République, Charles de Gaulle, avait claqué la porte de l'Europe au nez des Britanniques. On lui doit aussi d'avoir pratiqué de juin 1965 à janvier 1966 la "politique de la chaise vide", authentique boycott des réunions de ministres européens, en raison d'un désaccord sur le budget agricole préparé par la Commission européenne. Mais De Gaulle à aussi été à l'origine de l'un des plus grands élans donnés à la construction européenne. C'est lui qui a resserré les liens de la France avec le chancelier allemand Konrad Adenauer et signé en 1963 le traité de l'Elysée, qui scella l'amitié de ces pays qui entretenaient depuis un siècle une inimitié belliqueuse. Cette alliance a été le moteur d'une fantastique aventure politique qui culminera, en 2002, avec la mise en circulation de l'euro.

Nicolas Sarkozy a déjà fait toutes les gesticulations possibles devant l'Europe conventionnelle. Non à la Turquie. Regards de travers à la bureaucratie bancaire qui décide à Francfort de la politique monétaire sans que les gouvernements aient leur mot à dire. Une posture qui rappelle un De Gaulle injuriant ce qu'il appelait la Commission de Bruxelles pour son ingérence dans la politique agricole française. Mais le nouveau président français a réaffirmé sans ambiguïté l'importance de la coopération avec Berlin, où il s'est rendu juste après son investiture. La nouvelle politique étrangère, déjà esquissée par Sarkozy à l'occasion de quelques déclarations et nominations, semble prometteuse. Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner est ainsi un européen convaincu, tant de cœur que de raison. Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, l'est plus encore, lui qui fut chef de cabinet de Jacques Delors.

Que cela nous plaise ou non, avec Nicolas Sarkozy, l'Europe se remet en marche. Non pas cette Europe de la Convention européenne que dirigea avec plus d'emphase que de prudence l'ancien chef de l'Etat français Valéry Giscard d'Estaing. Ni une Europe avec tambours et trompettes, actions spectaculaires et annonces grandiloquentes. Sarkozy est l'arrière-petit-fils de De Gaulle. Contrairement à son aïeul spirituel, il est ami des Etats-Unis, mais il est tout aussi imprégné de cette rhétorique et de cette émotion nationales propres au gaullisme.

Il n'est pas inutile de rappeler l'une des phrases célèbres du vieux président sur l'Europe, qu'il jugeait chimérique, par opposition à la nation, seule réalité à ses yeux. "Il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant ‘l'Europe !, l'Europe !, l'Europe !', mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien."

L'arrivée au pouvoir de Sarkozy et, au Royaume-Uni, de Gordon Brown, tous deux dûment reçus par Angela Merkel, offre à l'UE une occasion qui ne risque guère de se reproduire dans un avenir proche. La Russie est enlisée dans la fin de règne de son tsar et empêtrée dans des tensions croissantes avec ses voisins. Les Etats-Unis sont une puissance mondiale en panne, avec le deuxième mandat catastrophique d'un Bush en passe de laisser toutes ses plumes dans le bourbier irakien. L'heure de l'Europe a sonné. Le calendrier de réforme des traités voulu par Merkel, qui débute immédiatement avec le sommet des 21 et 22 juin et culminera avec les élections au Parlement européen de juin 2009, sonne l'heure de vérité. C'est maintenant ou jamais. Ou bien l'Europe se construit, misant à nouveau sur les "petits pas" et les "solidarités de fait", sur l'axe Paris-Berlin et sur une nouvelle génération de personnalités politiques capables de s'entendre, ou bien ce sera la fin de tout.

Lluís Bassets
El País
Courrier International

*Photo: Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, le 23 mai à Bruxelles.
AFP

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