*HUB «DIGITAL DIPLOMACY» «DIPLOMATIE NUMERIQUE»* BY MORGANE BRAVO

Tuesday, November 6, 2007

***Le modèle nordique : Et si les perdants devenaient des gagnants ?***


***Le nord de l'Europe fait bien des envieux dans le reste du continent. Le dénommé modèle nordique s'est imposé en dépit des crises pour devenir un emblème de succès. Jochen Hille lève le secret de cette réussite.

Ceux que l'on donne pour morts vivent plus longtemps. Au début des années 90, le modèle nordique semblait à bout de souffle. La Finlande, le Danemark et la Suède souffraient de crises économiques avec un fort taux de chômage et une dette publique élevée. Seule la Norvège, forte de son pétrole, était restée épargnée par la crise de l'Etat providence.

Aujourd'hui, les chiffres économiques des pays du nord de l'Europe sont exemplaires. Croissance élevée, chômage bas et quota d'emploi à la hausse, bonnes finances publiques et très peu de pauvreté. Régulièrement, les pays du nord de l'Europe initient des statistiques comparatives au niveau international. Selon elles, dans le Nord, on vit en meilleure santé, plus longtemps, on est mieux formé, moins corrompu et la satisfaction avec le système politique est grande.

Cette convalescence miraculeusement rapide des pays du Nord n'est-elle que le fruit du hasard ou bien dissimule-t-elle un système ? Ces Etats nordiques, à savoir Finlande, Norvège, Suède, Danemark et Islande se distinguent par une construction précise de l'Etat providence. Cette construction est appelée le modèle nordique ou scandinave dans les sciences sociales. Comme la Finlande ne fait pas partie de la Scandinavie, le terme de « modèle nordique » est plus juste. Ce modèle social est considéré comme prodigue. Egalement les parts publiques élevées (Suède 53,7% ; en comparaison Allemagne 46,6 % et Etats-Unis 33,8%[1]) et les impôts sur le revenu importants avec une forte progression fiscale – le taux d'imposition le plus haut était en 2006 en Suède de 56,6%[2] - ainsi que les taux de T.V.A. élevés (env. 25%) sont typiques. Des réformes importantes ont toutefois eu lieu dans ce domaine ces dernières années. Comme dans la réforme fiscale allemande actuelle, la charge fiscale des entreprises a été réduite mais l'assiette de l'impôt élargie. Notons qu'il est difficile de frauder en Europe du Nord, en raison de registres fiscaux publics et de la faible corruption. La fraude fiscale et le travail au noir ne sont pas non plus considérés comme des pécadilles.

La différence centrale entre modèles nordique et allemand réside dans la manière dont versements et paiements sont organisés dans les systèmes de couverture sociale. Le principe de la garantie domine en Allemagne. Il repose sur la condition - devenue toujours plus fictive - que le salarié normal s'adonne un travail à temps plein fixe et bien payé tout au long de sa biographie professionnelle. Cette couverture sociale du salarié masculin par tradition et de sa famille dépend de ce système. Et le splitting conjugal fait que notamment un travail à temps partiel est rentable pour l'épouse. Celui qui perd son emploi en Allemagne est ramené à la couverture sociale de base (en général Hartz IV). Celle-ci n'est accordée que si toutes les autres sources de revenu et les biens pour assurer la subsistance ont été mis à contribution (principe de subsidiarité). Par contre, la couverture sociale dans l'Europe du Nord est financée directement par les recettes fiscales élevées. L'Etat prend beaucoup et il donne beaucoup. Ici, le droit à des prestations sociales repose en premier sur le statut de citoyen. De même, les prestations sociales sont conçues dans le nord de l'Europe comme un droit civique – pour ainsi dire pour tous les citoyens.

Ceci présente des avantages décisifs : un système simple et peu coûteux parce qu'il évite des contrôles compliqués des besoins et des biens. Il est garanti que tous les citoyens profitent de prestations sociales, et pas seulement ceux qui savent décrypter des formulaires compliqués. Comme tous les citoyens ont droit à des prestations et sont tenus de payer des impôts, le système est relativement transparent et bien accepté. Contrairement à l'Allemagne p. ex, on distingue moins entre statut professionnel ou familial. Pas de splitting conjugal mais une imposition individuelle. Y font écho les proportions très élevées d'emploi (Suède 77,3% Allemagne 72%)[3], notamment des femmes. Imposition individuelle, coût de la vie élevé, revenu par tête relativement bas et forts taux d'imposition pour chaque salarié obligent toutefois mari et femme à travailler.
Le modèle nordique repose – plus encore que l'allemand – sur le fait que le plus de personnes possibles travaillent et paient des impôts et que le moins de personnes possibles revendiquent les prestations sociales onéreuses. Que tous travaillent est donc à la fois le but et la condition du modèle nordique.

Ce modèle se caractérise en outre par un pragmatisme fondamental et la tendance à des solutions consensuelles. Dans les systèmes politiques d'Europe du Nord, il n'existe pas de fortes puissances de veto comme par ex. les laender ou le tribunal constitutionnel suprême en Allemagne. Si l'Etat, le patronat et les syndicaux puissants s'entendent sur quelque chose, cela est réalisé. Les garanties sociales publiques élevées et la confiance dans le système politique font que les changements sont acceptés sur le plan politique. La suppression de facto de la protection en matière de licenciement au Danemark n'aurait pas été tenable politiquement si n'avait pas été garanti en même temps un soutien massif, également financier, des rechercheurs d'emploi (flexicurity).

L'Etat providence et national démocratique est considéré en Europe du Nord comme le représentant légitime des intérêts des citoyens. L'Etat social a le droit d'intervenir en profondeur dans la société ; on attend de lui qu'il agisse avec prévoyance dans l'intérêt des citoyens. Il n'existe que deux catégories politiques et juridiques entrant en ligne de compte : le bon Etat national démocratique et le citoyen.
Ici se pose la question de la transférabilité du modèle nordique. Un modèle qui repose sur la confiance des citoyens dans leur Etat démocratique, pacifique, rentable et opérationnel. Comparées aux systèmes politiques centralistes d'Europe du Nord avec leurs populations homogènes sur les plans ethnique et religieux (luthéranisme), l'Allemagne et l'Europe dans son ensemble sont un « sac à puces » difficile à gérer. Pensons seulement aux multiples possibilités de veto en Allemagne, sans parler du système dynamique à plusieurs niveaux de l'UE.

Inversement, la confiance des citoyens dans le système politique et dans l'Etat providence en Europe du Nord n'est pas seulement la condition mais aussi le résultat de règles transparentes et simples qui appréhendent les prestations sociales comme un droit de tous les citoyens. La hauteur des prestations sociales de transfert ne peut être transposée ni sur l'Allemagne ni sur l'Europe sur l'arrière-plan du taux élevé de chômage. Mais des prestations sociales de transfert simples, peu coûteuses, compréhensibles et (dans un premier temps) basses – qui reposent sur le statut de citoyen européen - génèrent une idée collective européenne et une communauté de responsabilité. Une garantie européenne devrait être la base de la confiance et de la couverture sociale en Europe. Les Etats nordiques démontrent que la couverture sociale et le succès économique ne sont pas contradictoires. Un sentiment de sécurité doit plutôt précéder la disposition au changement.

de Jochen Hille

[1] Information on national rate acc. EU Commission acc. SWP-Aktuell 47:5.

[2] Figure based on Eurostat acc. www.jjahnke.net (Download 12.10.07).

[3] Acc. Eurostat 15.9.04


Eurotopics
31.10.2007

*Le modèle nordique : une option pour l'Europe entière ?
Photo: Photocase

No comments: